L'Air et le Feu. Deux groupes en bronze très finement ciselé et patiné. Epoque Louis XIV. Photo Thierry De Maigret
(légères usures ou griffures à la patine) H: 42 et 40,5 cm. Estimation : 100 000 - 120 000 €
Cette rarissime paire de statuettes en bronze reflète l'intérêt croissant des amateurs, vers la fin du XVIIème siècle ou au début du siècle suivant, pour les sujets allégoriques ou mythologiques traités en bronze patiné. Les sujets représentent deux des quatre éléments; pour l'un, une allégorie de l'Air, symbolisée par une jeune femme, un aigle à ses pieds, tenant son voile des deux mains, tandis que le second, un jeune homme à demi-dévêtu tient une lampe à huile enflammée dans sa main gauche. Cette thématique connut un grand succès à cette époque, mais les statuettes que nous présentons font partie des représentations parmi les plus rares connues à ce jour dans ce matériau. La figure féminine pourrait trouver sa source d'inspiration dans deux modèles de l'époque, tout d'abord, l'une des six figures en marbre réalisée vers 1706-1709 par Philippe Bertrand (1663-1724) pour la cascade champêtre du château de Marly et conservée de nos jours dans les jardins du Ministère des Affaires étrangères à Paris (illustrée dans F. Souchal, French Sculptors of the 17th and 18th centuries, The Reign of Louis XIV, Tome 1, p.54, fig.14); enfin, une autre version en marbre, représentant cette même allégorie, fut commandée en 1674 à Etienne Le Hongre (1628-1690) sur un dessin de Charles Le Brun pour le parterre d'eau du château de Versailles et fut éditée en réductions en bronze: voir notamment l'exemplaire conservé au Staatliche Kunstsammlungen de Dresde (reproduit dans G. Bresc-Bautier et G. Scherf, Bronzes français de la Renaissance au siècles de lumières, Catalogue d'exposition, Paris, Musée du Louvre, 2009, p.247). Signalons également qu'une autre version en bronze du modèle de Le Hongre, mais inversée, figura dans la collection de Monsieur M.B. Kotschoubey; elle était signée J.B. Pigalle et datée 1772 (vente à Paris, Me Lair- Dubreuil, Drouot, les 13-19 juin 1906, lot 347).
A notre connaissance le seul autre bronze identique à notre exemplaire figura dans la collection Willoughby (vente Sotheby's, Londres, le 28 novembre 1968, lot 56); il était en suite avec trois autres figures allégoriques, annoncées comme des allégories des quatre éléments, mais figurant plus probablement aussi bien des allégories des éléments, que des allégories des saisons. A ce jour, la sculpture originale en marbre qui servit de modèle à l'exemplaire en bronze présenté est inconnue, nous empêchant ainsi une attribution à un sculpteur précis.
Cela semble en revanche différent pour la représentation du Feu dont le modèle, auparavant attribuéà Giovanni Battista Foggini, doit être désormais rattachéà l'oeuvre de François Lespingola (1644-1705). Uniquement deux autres exemplaires identiques sont connus, le premier (hauteur 38 cm) se trouvait anciennement dans la collection David Daniels et fut vendu chez Sotheby's, à Londres, le 20 avril 1989, lot 61 (voir également Sculpture from the David Daniels Collection, Catalogue d'exposition, Minneapolis Institute of Arts, octobre 1979-janvier 1980, p.28-29, catalogue n°7); le second (hauteur 40,6 cm) est illustré dans le catalogue de la galerie Daniel Katz en 1998 (European Sculpture, p.83, catalogue n°38). Nous savons que Lespingola exécuta quelques sculptures, mais surtout donna de nombreux modèles ou projets pour les grands chantiers royaux. Il est possible que la paire de statuettes présentée, la seule connue réunissant en paire les deux figures, soit le seul témoignage d'un grand projet louis-quatorzien représentant les quatre éléments qui ne fut jamais exécuté.
Thierry De Maigret. Mercredi 05 juin à 13h45. Hôtel Drouot - Salles 5 & 6. EMail : contact@thierrydemaigret.com - Tél. : 01 44 83 95 20