Exceptionnelle paire de commodes à vantaux, en placage d'ébène. Style Louis XVI, vers 1860-1880. Photo Thierry De Maigret
Elles ouvrent en plein par deux vantaux ornés de panneaux en laque du Japon, sur des contre-fonds aventuriné, ornés de personnages dans des perspectives paysagées ou paysages lacustres. Sur les côtés des étagères. Montants plats. Pieds à pans coupés à cannelures foncées de cuivre. Riche ornementation de bronzes ciselés et dorés à lingotière ornée de palmettes. La ceinture supérieure présentant des draperies rubanées, encadrements à godrons et palmettes. Les étagères latérales sont soulignées d'une galerie ajourée à draperie et gland. Plateaux de marbre Sarancolin (réparés) Monogrammé: HD, pour Henri DASSON sur un bronze. H: 97 - L: 165,5 - P: 47,5 cm. Estimation : 70 000 - 100 000 €
Provenance: Collection Lecoules.
A l'instar de François Linke, Henri Dasson se spécialisa dans la réalisation de meubles et de bronzes d'ameublement copiés ou interprétés d'après les plus célèbres modèles du XVIIIème siècle, particulièrement ceux conservés au Mobilier national et dans les collections publiques françaises et internationales. Il réalisa ainsi toute une série de meubles reprenant plus ou moins directement les réalisations de BVRB, Charles Cressent, Martin Carlin, Jean-Henri Riesener, Adam Weisweiler... Pour ses créations les plus luxueuses Dasson employa parfois, tout comme ses confrères parisiens du siècle précédent, des panneaux de laque de la Chine ou du Japon. Cette mode avait été initiée sous le règne de Louis XIV, puis au cours des décennies suivantes sous l'impulsion des marchands-merciers, encouragés par certaines personnalités de la Cour et quelques grands amateurs du temps, le laque de Chine ou du Japon apparaît ponctuellement dans le décor de certains meubles raffinés par l'intégration de précieux panneaux redécoupés à désir dans des paravents et des cabinets importés à grands frais d'Orient. Dasson se positionne ainsi comme l'un des héritiers les plus réceptifs aux compositions de la grande ébénisterie parisienne de l'Ancien Régime. La spectaculaire paire de commodes à vantaux que nous proposons figure parmi les réalisations les plus abouties de l'ébéniste. Les portes sont élégamment décorées de panneaux de laque du Japon à décor de paysages animés de personnages.
Parmi les rares exemplaires similaires connus, citons particulièrement une paire, également signée Dasson, quasi identique à celle que nous proposons qui figura dans la vente de la collection Léon Lévy, à l'époque annoncée comme dans le goût de Weisweiler (Sotheby's, Paris, le 2 octobre 2008). L'ensemble de la composition de ces quatre exemplaires, qui rivalise en qualité avec certains modèles du XVIIIème siècle, révèle particulièrement l'influence de deux meubles à partir desquels Dasson a élaboré ses modèles: tout d'abord, une commode à l'anglaise en tôle laquée de Claude-Charles Saunier qui fit partie des collections du marquis de Biron (illustrée dans A. Pradère, French Furniture Makers, The Art of the Ebéniste from Louis XIV to the Revolution, 1989, p.368, fig.441) et surtout une commode à encoignures de Martin Carlin saisie sous la Révolution chez la marquise de Brunoy et de nos jours conservée au musée du Louvre (reproduite dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum et A. Lefébure, Le mobilier du Musée du Louvre, Tome 1, Dijon, 1993, p.239).
Henri Dasson (1825-1896): En 1871, après avoir acheté le fonds de commerce de son confrère Charles Winckelsen, Henri Dasson se lance dans la réalisation de meubles et de bronzes d'ameublement qui lui assure une immense notoriété. Certains rapports de jury des expositions universelles ou de l'industrie le citent avec enthousiasme; ainsi en 1878, Louis Gonse rapporte qu'en dépit de sa jeune carrière «Henri Dasson s'est rapidement créé par la perfection de ses oeuvres une très haute situation à laquelle nous applaudissons chaleureusement». L'ébéniste avait alors connu un vif succès puisque l'une de ses tables en bronze d'esprit Louis XVI avait été achetée par Lord Dudley, tandis que Lady Ashburton sélectionna un bureau de goût rocaille. Une dizaine d'années plus tard, en 1889, Dasson, à l'apogée de sa carrière, présente une exposition exceptionnelle d'oeuvres dans laquelle se côtoient tous les styles anciens et remporte un Grand Prix artistique. Il cesse son activité en 1894 et trois grandes ventes aux enchères dispersent son important fonds de commerce et ses modèles d'atelier.
Thierry De Maigret. Mercredi 05 juin à 13h45. Hôtel Drouot - Salles 5 & 6. EMail : contact@thierrydemaigret.com - Tél. : 01 44 83 95 20