VERSAILLES - L'exposition «La Chine à Versailles» retrace l'histoire des échanges politiques et artistiques entre la chine et la France au XVIIIe siècle à l'occasion du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre ces deux pays en 1964. Les peintures, meubles, laques, porcelaines, tapisseries exposés témoignent du plus grand luxe de leur époque et sont d'une extrême rareté aujourd'hui. Les quelques 150 Œuvres rassemblées illustrent le goût français pour les productions artistiques chinoises, à la mode dès le règne de Louis XIV. Elles révèlent également l'intérêt des européens pour les descriptions de la Chine, adressées par les jésuites français à leurs correspondants tout au long du XVIIIe siècle.
L'art chinois à Versailles
La réception fastueuse donnée par Louis XIV à l'occasion de l'arrivée des ambassadeurs du roi de Siam, le 1er septembre 1686, marque le début du vif intérêt que la cour porte à l'Extrême-Orient. Les cadeaux diplomatiques apportés à cette occasion contribuent à développer le goût de la cour et de la famille royale pour les productions artistiques de l'Empire du Milieu. Porcelaines, papiers peints, laques, étoffes, soieries deviennent extrêmement prisés à la cour de France. Cette passion pour «la chine» ou le «la chinage» se manifeste notamment par l'importation par la Compagnie française des Indes orientales de nombreuses oeuvres d'art chinoises et japonaises (souvent confondues par les européens). Elles sont commercialisées à Paris par les marchands-merciers.
Cette attirance pour l'art chinois se manifeste à travers ce que l'on a appelé plus tard «la chinoiserie», ce courant du goût prend différentes formes :
- l'imitation de l'art chinois,
- l'influence de l'art chinois sur l'art français,
- l'adaptation de matériaux orientaux au goût français (par exemple l'adjonction de montures métalliques aux porcelaines d'Extrême-Orient ou encore la transformation de panneaux de paravents et de cabinets ou de boîtes en laque),
- mais aussi la création d'une Chine imaginaire et pacifique grâce à des ornemanistes ou des artistes français de grand talent comme François Boucher.
Si les souverains français, protecteurs des manufactures, des artistes et des artisans français ne peuvent montrer ouvertement leur goût pour la Chine dans les appartements
d'apparat de Versailles, de nombreuses oeuvres d'art chinoises ou «à la chinoise» figurent dans leurs appartements privés ou dans leurs résidences de campagne favorites, reflets de leurs goûts plus personnels. Louis XIV fait par exemple recouvrir les murs et le toit du «Trianon de porcelaine» de parements et de vases de faïence imitant la porcelaine de Chine à l'instar de la pagode de porcelaine de Nankin. Louis XV demande pour le château de Choisy, réaménagé pour lui par Ange Jacques Gabriel à partir de 1740, des meubles en laque d'Extrême-Orient ou ornés de vernis «façon de la Chine», ainsi que des porcelaines et des papiers peints chinois. Marie Leszczynska, fait réaliser pour
son cabinet «des Chinois» des panneaux peints illustrant la culture et le négoce du thé. Certaines maîtresses royales, notamment Madame de Mailly ou Madame de Pompadour décorent également leurs appartements de curiosités asiatiques. Marie-Antoinette se passionne pour les boîtes et les objets en laque venus du Japon ainsi que pour les porcelaines de Chine. Elle commande des porcelaines de Chine montées pour le cabinet de la Méridienne et le cabinet doré. Un jardin anglochinois est planté en 1776 au Petit Trianon et un manège, dit «Jeu de bague» chinois, orné de paons et de dragons dorés y est aménagé peu après.
Les 150 oeuvres rassemblées pour l’exposition proviennent de plusieurs grandes institutions françaises (Louvre, Guimet, Bibliothèque Nationale de France, Centre des Monuments nationaux…) et étrangères (collections royales anglaises, musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg…) ainsi que de collections particulières.
Coupe en jade blanc. Chine, époque Ming (1368-1644), collection musée national des Arts asiatiques Guimet.
Cette précieuse coupe, aux anses en forme de dragons, est sans doute l’un des premiers objets chinois à avoir figuré dans les collections de Louis XIV. Elle appartenait précédemment à Mazarin. En 1665, le Roi acquit la plupart des gemmes du ministre qui furent présentées à partir de 1682 à Versailles, dans le cabinet des Raretés, alors situéà l'actuel emplacement du Salon des jeux de Louis XVI. Le jade, très difficile à travailler, est toujours considéré en Chine comme une pierre précieuse.
White jade cup. China, Ming dynasty (1368-1644), from the Musée National des Arts Asiatiques – Guimet Museum collection.
This precious cup with dragons forming the handles is no doubt one of the first Chinese objects included in the collections of Louis XIV. It had previously belonged to Mazarin. In 1665, the King acquired most of the Minister’s jewels which, starting in 1682, were presented in the Cabinet des Raretés at Versailles, the site of the current Louis XVI Games Room. Jade is very hard to work with and has always been considered a gemstone in China.
Fontaine à parfum. Porcelaine : Chine, début de l’époque Qianlong (1736-1795). Bronze doré : Paris, vers 1743
Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles)
Ce vase en porcelaine "truittée", livré en 1743 par le marchand mercier Hébert pour la garde-robe de Louis XV à Versailles, avait été préalablement transformé par un bronzier en fontaine à parfum. C'est à ce jour la seule pièce de porcelaine de Chine ayant appartenu à Louis XV, bien identifiée.
Perfume fountain. Porcelain: China, early Qianlong period (1736-1795). Gilded bronze: Paris, ca. 1743. Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
This “crackled” porcelain vase, delivered in 1743 by Hébert, a marchand-mercier, for Louis XV’s wardrobe at Versailles, was transformed into a perfume fountain by a bronze-smith. To date, it is the only piece of Chinese porcelain identified as having belonged to Louis XV.
Commode à panneaux de laque du Japon et vernis parisien. Livrée pour la chambre de Louis XV à Choisy en 1744, par l’ébéniste Antoine-Robert Gaudreaus. Don de la Fondation philanthropique Edmond J. Safra, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
Reçue en don en février 2014, cette pièce exceptionnelle sera présentée pour la première fois au public à l'occasion de l'exposition.
Cette commode à panneaux de laque et vernis parisien de l'ébéniste Gaudreaus, commandée pour la chambre du Roi à Choisy, est un parfait exemple de cette attirance de l'art français pour l'Extrême-Orient. Elle est ornée de bronzes dorés d'un dessin unique, soulignant à merveille le décor noir et or, provenant de feuilles de paravents en laque du Japon des collections de Louis XIV. C'est le marchand-mercier Hébert qui a été chargé de la préparation des panneaux de laque destinés àêtre posés sur le bâti de l'ébéniste Gaudreaus.
Commode with Japanese lacquer panels and Parisien vernis. Produced by Antoine-Robert Gaudreaus, cabinet-maker, for Louis XV’s bedchamber at Choisy in 1744. Donated by the Edmond J. Safra Philanthropic Foundation, Versailles, Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
Donated in February 2014, this exceptional piece will be presented to the public for the first time during this exhibition.
This commode with lacquer panels and Parisian veneer produced by the cabinet-maker Gaudreaus, was ordered for the King’s bedchamber at Choisy and is a perfect example of the attraction that French art had for the Far East. It is decorated with gilded bronzes with a unique design, marvellously highlighting the black and gold decoration, from the sheets of the Japanese lacquer screens in Louis XIV’s collections. Hébert, a marchand-mercier, was in charge of preparing the lacquer panels that were to be mounted on the structure produced by the cabinetmaker Gaudreaus.
Esclave descendant une barque de marchandises et chinois fumant et prenant le thé. Huile sur toile peinte vers 1761 par plusieurs artistes français pour le cabinet «des Chinois » de la reine Marie Leszczynska à Versailles. Collection particulière.
Ce panneau d'une série de huit était encastré dans les boiseries d'un cabinet de l'appartement intérieur de Marie Leszczynska.
C'est un témoignage éloquent de l'intérêt de la Reine pour la Chine. Démontéà sa mort en 1768, il a été léguéà sa dame d'honneur, la comtesse de Noailles.
Slave getting off a freight bark and Chinese man smoking and drinking tea. Oil on canvas painted ca. 1761 by several French artists for Queen Marie Leszczynska’s “Chinese” study at Versailles. Private collection.
This panel, part of a series of eight, was mounted into the woodwork of a study in Queen Marie Leszczynska’s internal apartments. It bears eloquent testimony to the Queen’s interest in China.
Removed upon the Queen’s death in 1768, it was left to her lady in waiting, the Countess of Noailles.
Plaque représentant l’empereur de Chine par Charles Eloi Asselin (1743-1804). Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, vers 1776. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
Cette œuvre a été exécutée d’après un dessin aquarellé du frère Giuseppe Panzi, un jésuite présent à la cour de Pékin au XVIIIe siècle. Il s'agit d'un tableau de porcelaine qui représente l’empereur Qianlong (1711-1799), coiffé d’un bonnet de fourrure, surmonté d’une grosse perle ronde. Le portrait lui-même est entouré d‘une bande peinte à l’or.
Plaque representing the Emperor of China by Charles Eloi Asselin (1743-1804). Manufacture Royale de Porcelaine de Sèvres, ca. 1776. Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
This work was executed after a watercolour drawing by Giuseppe Panzi, a Jesuit who was at the court of Beijing in the 18th century. It is a porcelain painting representing Emperor Qianlong (1711-1799) wearing a fur hat with a large, round pearl. The portrait itself is surrounded by a strip of gold painting.
Vue du jeu de bague chinois de Trianon par Claude-Louis Châtelet (1753-1795). Dessin à la pierre noire, aquarelle et gouache, 1786. Modène, Biblioteca Estense Universitaria.
En 1774, la reine Marie-Antoinette entre en possession du domaine de Trianon et souhaite voir planter, au Nord-Est du château, un jardin anglo-chinois. Les travaux furent confiés en 1776 à Richard Mique. La même année, on décide de construire, à proximité immédiate du château, un jeu de bague chinois, une sorte de manège dont les sièges étaient constitués de paons et de dragons et dont le mat principal était orné de figures chinoises. Le principe du jeu est simple : les joueurs devaient enfiler sur de longues broches un maximum d'anneaux fixés à un arbre central tournant.
View of the Chinese ring game at Trianon by Claude-Louis Châtelet (1753-1795). Drawing in black chalk, watercolour and gouache, 1786. Modena, Biblioteca Estense Universitaria.
In 1774, Queen Marie-Antoinette took possession of the Trianon Estate and wanted to plant an Anglo-Chinese garden to the northeast of the Palace. Richard Mique was entrusted with this work in 1776. That same year, the decision was made to build a “Chinese Ring Game” next to the Palace, a sort of carousel whose seats were made up of peacocks and
dragons and whose main mast was decorated with Chinese figures. The point of the game was simple: players used long poles to catch a maximum number of rings attached to a rotating central shaft.
Quelques oeuvres de Versailles qui pourraient être présentes à l'exposition:
Vase Lapis de style chinois de Madame Adelaide, Manufacture de Sèvres, 1781. © Château de Versailles
Vase "Jardin", acquis en 1780 par Louis XVI pour la Grande Chambre du Roi à Versailles © Château de Versailles
Louis-François Lécot, Cabaret chinois de madame Victoire ou Madame Adélaïde, 1775 © RMN-Grand Palais Château de Versailles / Christian Jean