Sculptures souabes de la fin du Moyen Âge : Affiche.
Douceur paisible, sensibilité délicate, mais aussi force expressive et puissance des volumes : autant de caractéristiques qui distinguent au premier coup d’œil les sculptures souabes de la fin du Moyen Âge. Pour donner à ressentir et comprendre cet art majeur dans l’Empire germanique et plus largement le cœur de l’Europe, le musée de Cluny lui consacre pour la première fois en France une exposition, ouverte au public du 1er avril au 27 juillet 2015.
Ancienne région historique du Sud de l’Allemagne située entre la Forêt-Noire et la Bavière, la Souabe est le théâtre d’une production sculptée abondante et de haute qualité entre les années 1460 et 1530. Le changement des sensibilités religieuses dans le contexte de la Réforme protestante y met fin. Des centres urbains tels que Ulm, Augsbourg ou Ravensburg abritent une intense activité commerciale et artistique. Des artistes y développent un travail virtuose du bois et une science raffinée de la polychromie qui conjuguent leurs effets subtils.
Saint Jean de Calvaire, Sud de la Souabe, vers 1520, Tilleul polychromé ,H. 78 ; L. 25 ; P. 15 cm, Paris, Musée de Cluny - musée national du Moyen Âge. © RMN-Grand Palais / Michel Urtado
Une production collaborative
La proximité des petites cités du Sud de la Souabe (Memmingen, Kempten, Biberach…) avec les Alpes suisses et autrichiennes suscite une forte demande. Certains ateliers, organisés comme de véritables petites entreprises, se spécialisent dans l’exportation de retables jusqu’au fond des vallées alpines des Grisons ou du Haut Adige (aujourd’hui en Italie). Grâce à la circulation des œuvres et des hommes, cet art qui conjugue sculpture et peinture répond au goût de l’époque et rayonne largement au-delà de la Souabe. L’exposition permet d’évoquer plusieurs figures de sculpteurs de premier plan tels Niclaus Weckmann et Daniel Mauch à Ulm, mais aussi Ivo Strigel et son atelier, Lux Maurus ou Jörg Lederer dans les villes du sud. Organisée de manière collaborative, la production des sculptures dans ces ateliers fait intervenir plusieurs artisans, compagnons et apprentis du maître, de la conception de l’œuvre à sa mise en couleur. Ainsi, il est rare que le maître réalise seul et entièrement une œuvre.
Vierge de Calvaire, Sud de la Souabe, vers 1520, Tilleul polychromé, H. 77; L. 23; P. 14 cm, Paris, musée de Cluny - musée national du Moyen Âge. © RMN-Grand Palais / Michel Urtado
Un art riche aux multiples facettes
Une trentaine de sculptures à la forte présence plastique sont présentées au fil d’un parcours chronologique et géographique. Œuvres essentiellement religieuses destinées au mobilier des églises, les sculptures souabes se distinguent par la grâce des types féminins et par un travail savant des drapés. Elles reprennent les codes vestimentaires de la mode au début du XVI e siècle. Le parcours de l’exposition est enrichi de coup de projecteur sur les aspects techniques et fonctionnels de cet art. Le visiteur est ainsi invitéà tourner autour de la Sainte Barbe du musée Toulouse-Lautrec d’Albi pour en découvrir le revers et comprendre les techniques de taille. L’exposition s’achève par l’évocation du Parallelfaltensil, style développé en Souabe et qui connaît une large diffusion dans tout le sud de l’Allemagne. Caractérisé par des réseaux très graphiques de plis parallèles, il marque une rupture esthétique illustrée notamment par le Christ aux rameaux du musée du Louvre.
Le Christ des rameaux, Sud de la Souabe (autour de Hans Herlin ?), vers 1520-1525, Tilleul et épicéa polychromés, H. 135 ; L. 120 ; P. 41 cm, Paris, Musée du Louvre. © Musée du Louvre, dist. Rmn-Grand Palais / Pierre Philibert
Retrouvailles
L’exposition offre l’occasion unique de reconstituer des ensembles démembrés depuis plusieurs siècles et dispersés dans les musées, parfois de part et d’autre du Rhin. Ainsi, l’émouvant Christ en prière du Louvre retrouvera exceptionnellement les Deux apôtres endormis du Maximilianmuseum d’Augsburg qui appartenaient à l’origine à un même groupe monumental du Mont des oliviers.
L’exposition met également en lumière la richesse des collections publiques françaises dans le domaine de la sculpture souabe. Paradoxalement, cet art très apprécié par les collectionneurs français de la fin du XIXe et du début du XXe siècles est aujourd’hui largement méconnu du public. Autour du noyau de sculptures souabes appartenant au musée de Cluny et de prêts importants du musée du Louvre, une sélection d’œuvres issues d’une douzaine de musées français, complétée par des prêts accordés par des institutions d’Allemagne et d’Autriche, permet de restituer un panorama très complet de la diversité de cet art.
Le Christ au mont des oliviers, Atelier de Niclaus Weckmann, vers 1500-1520, Tilleul polychromé, H. 145; L. 94; P. 44 cm, Paris, Musée du Louvre. © Musée du Louvre, dist. Rmn-Grand Palais / Thierry Ollivier
Les expressions artistiques de l’Europe médiévale
Aboutissement autant que nouveau point de départ, l’exposition s’inscrit dans un projet plus large d’étude, de publication et de mise en valeur des sculptures germaniques dans les musées de France, dont la production souabe est emblématique et prépondérante par le nombre des œuvres. Elle est un nouveau jalon de la politique d’expositions du musée de Cluny en faveur de toutes les expressions artistiques de l’Europe médiévale, en particulier de l’Allemagne et de l’Empire germanique au sens large, affirmant ainsi la vocation européenne du musée.
1 avril-27 juillet 2015. Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge. 6, place Paul Painlevé 75005 Paris - Tél : 01 53 73 78 16 - www.musee-moyenage.fr
La nativité, Atelier de Niclaus Weckmann, vers 1520-1525, Bois (tilleul ?) polychromé, H. 141 ; L. 87 ; P. 6 cm Paris, Petit Palais. © Eric Emo / Petit Palais / Roger-Viollet
Douze religieux en prière, Atelier de Daniel Mauch, vers 1505-1510, Tilleul polychromé, H. 122 ; L. 59 ; P. 27 cm Paris, Musée du Louvre. © Rmn-Grand Palais / Stéphane Maréchalle
Dix religieuses en prière, Atelier de Daniel Mauch, vers 1505-1510, Tilleul polychromé, H. 123 ; L. 55 ; P. 23 cm Innsbruck, Schloss Ambras. © Tiroler Landesmuseum Ferdinandeum, Innsbruck / photo Tiroler Landesmuseum
La vierge à l’enfant, Daniel Mauch, vers 1510-1515, Bois (tilleul ou saule) décapé, H. 137; L. 45,5; P. 25 cm Düsseldorf, Museum Kunst Palast. © Stiftung Museum Kunstpalast - Horst Kolberg / Artothek